
La police traque les femmes cherchant Ă avorter, avec l’aide de Meta et Google đ€Ź
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En juin 2022, la Cour SuprĂȘme amĂ©ricaine, plus haute juridiction du pays, a dĂ©cidĂ© que le droit Ă l’avortement n’Ă©tait plus garanti au niveau fĂ©dĂ©ral. Ainsi chaque Etat AmĂ©ricain peut interdire localement l’avortement, ce qu’ont fait 13 Etats. Avec cette dĂ©cision, une des craintes des associations de dĂ©fense des droits des femmes est malheureusement devenue une rĂ©alitĂ© et c’est une vĂ©ritable chasse Ă la femme qui a Ă©tĂ© ouverte, aidĂ©e par Meta et Google.
Les gĂ©ants du web peuvent partager nos conversations avec les autoritĂ©s đ€Ź
Au printemps prochain, une femme nommĂ©e Jessica Burgess et sa fille vont ĂȘtre jugĂ©es dans le Nebraska, car elles ont Ă©tĂ© accusĂ©es d’avoir pratiquĂ© un avortement illĂ©gal. L’Ă©lĂ©ment clĂ© du procĂšs est un historique de conversations Messenger entre la mĂšre et la famille, fourni par Meta. La police se tourne vers les GAFAM afin d’obtenir des informations pour les aider dans leur traque. Les donnĂ©es privĂ©es comme l’historique des messages doivent ĂȘtre demandĂ©es via un mandat. Meta reçoit par exemple plus de 400.000 demandes en ce sens par an, et a rĂ©pond favorablement plus de 70% du temps.
Meta a dĂ©clarĂ© Business Insider qu’ils ne faisaient que se plier Ă la loi :
« Nous nous conformons aux demandes gouvernementales dâinformations sur les utilisateurs uniquement lorsque nous croyons de bonne foi que la loi nous oblige Ă le faire.  Nous Ă©valuons si une demande est conforme aux normes internationalement reconnues en matiĂšre de droits de lâhomme, dont la protection de la vie privĂ©e, la libertĂ© dâexpression et lâĂtat de droit. Lorsque nous nous conformons Ă une demande, nous ne fournissons que les informations qui sont Ă©troitement liĂ©es Ă cette demande. Si nous estimons quâune demande est trop large, nous la repoussons et nous nous battons devant les tribunaux, si nĂ©cessaire. Nous ne fournissons pas aux gouvernements des âportes dĂ©robĂ©esâ pour accĂ©der aux informations des utilisateurs ».
Sauf que dans les faits, Meta comme les autres gĂ©ants du net s’opposeraient trĂšs peu Ă de telles demandes, mĂȘme si elles s’avĂ©raient ĂȘtre illĂ©gitimes. De plus, les donnĂ©es fournies par les gĂ©ants peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour poursuivre des personnes pour avortement, mĂȘme si l’objet de l’enquĂȘte est toute autre.
Eric Goldman, professeur de droit Ă lâuniversitĂ© de droit de lâuniversitĂ© de Santa Clara, s’est confiĂ© Ă Business Insider,
« les rĂ©seaux sociaux ne sont pas susceptibles de sâopposer Ă toutes les demandes illĂ©gitimes des forces de lâordre, parce quâils craignent pour leur propre responsabilitĂ©, ou parce que câest tout simplement trop coĂ»teux de sây opposer ».
Les refus sont plutĂŽt de l’ordre de l’exceptionnel qu’autre chose.
Les pharmacies partagent aussi les donnĂ©es đ°
Mais ça ne s’arrĂȘte pas lĂ . Selon une enquĂȘte de ProRepublica, parue en janvier dernier, Google communiquerait des informations sensibles comme les adresses mails des utilisateurs, leur localisation et les donnĂ©es de recherche de personnes se rendant sur les pharmacies en ligne vendant des interruptions volontaires de grossesse. En effet, ces pharmacies partagent ces donnĂ©es avec le gĂ©ant du web et d’autres site tiers, notamment via des traqueurs publicitaires.
En 2022 Google a annoncĂ© qu’il supprimerait automatiquement l’historique de localisation des utilisateurs ayant visitĂ© des cliniques oĂč il est possible de pratiquer l’IVG. MalgrĂ© tout, le gĂ©ant doit comme Meta, se conformer aux demandes de transmission de ces donnĂ©es sensibles, si la demande est faite par une juridiction oĂč l’avortement est dĂ©sormais interdit.
L’importance de protĂ©ger sa vie privĂ©e đ
Sharon Docter, professeur de questions juridiques et de nouveaux médias à la California Lutheran University, a fait la déclaration suivante à Insider.
« Les entreprises de mĂ©dias sociaux nâont pas vraiment dâincitations Ă protĂ©ger la vie privĂ©e. Les utilisateurs de mĂ©dias sociaux doivent se prĂ©occuper de la vie privĂ©e, et les utilisateurs doivent vraiment rĂ©flĂ©chir au fait que leur empreinte numĂ©rique pourrait potentiellement ĂȘtre disponible pour les forces de lâordre sâil existe un mandat de perquisition valide».
Les rĂ©seaux sociaux n’Ă©tant que des pions qui se contentent de se conformer aux demandes parfois illĂ©gales, il est donc important pour chaque utilisateur de protĂ©ger sa vie privĂ©e en optant par exemple pour les messageries cryptĂ©es, de dĂ©sactiver leurs donnĂ©es de localisation et comprendre les politiques de confidentialitĂ© des plateformes.
C’est vrai que le sujet de l’avortement divise, notamment Ă cause des cultures et des croyances de tout un chacun. Mais quand on voit comment un changement de loi, qui paraissait improbable, a fait basculer de nombreuses femmes dans l’illĂ©galitĂ© du jour au lendemain, on ne peut plus ĂȘtre sĂ»r de rien. Ce qui est lĂ©gal aujourd’hui peut ne plus l’ĂȘtre demain, en fonction des administrations en place. Et pour ceux qui pensent qu’ils n’ont rien Ă cacher, Edward Snowden, le lanceur d’alerte de la CIA a la rĂ©ponse appropriĂ©e :
Lorsque vous dites « le droit Ă la vie privĂ©e ne me prĂ©occupe pas, parce que je n’ai rien Ă cacher », cela ne fait aucune diffĂ©rence avec le fait de dire « Je me moque du droit Ă la libertĂ© d’expression parce que je n’ai rien Ă dire », ou « de la libertĂ© de la presse parce que je n’ai rien Ă Ă©crire ».
Source : Business Insider, ProPublica