
Quand AWS s’éternue, Internet s’enrhume : la panne qui a paralysé la moitié du web ⛈️
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Lundi 20 octobre 2025, 9h du matin. Vous essayez d’ouvrir Snapchat pour partager votre café du matin. Rien. Votre assistant vocal Alexa refuse de répondre. Même votre banque en ligne affiche un message d’erreur. Vous n’êtes pas seul : des millions de personnes à travers le monde ont vécu la même mésaventure. La raison ? Une panne géante chez AWS, un nom que vous n’aviez peut-être jamais entendu, mais qui pourtant fait tourner une bonne partie de votre vie numérique.
Comment une seule entreprise peut-elle mettre K.O. Snapchat, Netflix, des banques britanniques, des petites entreprises québécoises et même votre jeu vidéo préféré en même temps ? Bienvenue dans les coulisses du web moderne, où tout repose sur des fondations invisibles et étonnamment fragiles.
AWS, c’est quoi exactement ? 🤔
Imaginez que vous vouliez ouvrir un restaurant. Vous auriez besoin d’une cuisine équipée, de réfrigérateurs, de fours, d’un local, d’électricité… Bref, toute une infrastructure coûteuse avant même de servir votre premier plat. Maintenant, imaginez qu’au lieu d’acheter tout ça, vous puissiez louer exactement ce dont vous avez besoin, quand vous en avez besoin, et payer uniquement pour ce que vous utilisez.
C’est exactement ce que fait AWS (Amazon Web Services) pour Internet. Lancé en 2006 par Amazon, AWS loue ce qu’on appelle des « serveurs » et des services informatiques à des entreprises du monde entier. Mais qu’est-ce qu’un serveur, au juste ?
Un serveur, c’est simplement un ordinateur très puissant qui tourne en permanence pour stocker des informations et faire fonctionner des applications. Quand vous regardez une série sur Netflix, vos photos de vacances sont stockées quelque part sur des serveurs. Quand vous jouez en ligne, c’est un serveur qui coordonne la partie. Quand vous envoyez un message sur WhatsApp, il transite par des serveurs.
Traditionnellement, chaque entreprise devait acheter et entretenir ses propres serveurs dans ses propres bureaux. C’était cher, compliqué et peu flexible. Puis est arrivé le « cloud » (littéralement « nuage » en anglais), un terme marketing pour désigner le fait de stocker ses données et faire tourner ses applications sur les serveurs de quelqu’un d’autre, accessibles via Internet.
AWS est devenu le roi incontesté de ce marché. Aujourd’hui, l’entreprise contrôle environ un tiers du marché mondial du cloud, deux fois plus que son concurrent le plus proche, Microsoft Azure. C’est colossal.
Comment AWS est devenu le pilier invisible d’Internet 🏗️
L’histoire d’AWS commence de manière presque accidentelle. Au début des années 2000, Amazon était « juste » un géant du commerce en ligne. Pour gérer ses pics d’activité (notamment pendant les périodes de soldes), l’entreprise avait développé une infrastructure informatique surpuissante et ultra-flexible.
Les ingénieurs d’Amazon ont eu une révélation : et si on vendait cette capacité informatique excédentaire à d’autres entreprises ? En 2006, AWS est né avec une promesse simple mais révolutionnaire : au lieu d’investir des millions dans vos propres serveurs, louez les nôtres à la demande.
Le succès a été fulgurant. Des startups sans le sou pouvaient soudainement se lancer avec une infrastructure digne d’une multinationale. Des grandes entreprises pouvaient abandonner leurs coûteux centres de données. Même des administrations publiques ont fait le saut.
Aujourd’hui, AWS héberge des milliers de services que vous utilisez quotidiennement sans le savoir. Netflix ? Sur AWS. Spotify ? AWS. Des pans entiers de l’administration américaine ? AWS. Des banques, des hôpitaux, des écoles, des jeux vidéo, des applications de rencontre… La liste est vertigineuse.
Mais cette concentration pose un problème majeur : AWS est devenu un point de défaillance unique. Quand il tombe, c’est l’effet domino.
Lundi noir : anatomie d’une catastrophe numérique 💥
Revenons à ce fameux lundi 20 octobre 2025. À 3h11 du matin (heure de la côte est américaine), quelque chose se brise dans une région qu’AWS appelle « US-EAST-1 », située en Virginie du Nord. Cette région est un peu la Mecque d’AWS : c’est la plus ancienne, la plus importante, celle qui gère le plus de trafic mondial.
Le coupable ? Un dysfonctionnement dans un système de surveillance des « load balancers » (répartiteurs de charge). Pour comprendre ce que c’est, imaginez un immense centre commercial un samedi après-midi. Les load balancers sont comme les agents de sécurité qui dirigent les flux de clients vers les différentes entrées pour éviter les embouteillages. Quand ce système tombe en panne, tout le monde se retrouve coincé à la même porte.
Dans le cas d’AWS, ce dysfonctionnement a provoqué un effet domino spectaculaire. Les services AWS communiquent entre eux en permanence. Quand l’un ne répond plus correctement, il contamine les autres. C’est comme un château de cartes : retirez-en une et tout s’effondre.
Les conséquences ont été immédiates et mondiales. Snapchat est devenu inutilisable. Fortnite a expulsé ses joueurs. Des millions de personnes n’ont plus pu accéder à leur compte bancaire. Des entreprises québécoises spécialisées dans la toiture n’ont plus pu gérer leurs commandes. Des friandiers de Lanaudière n’ont plus pu expédier leurs produits.
Plus inquiétant encore : des services critiques comme les banques britanniques Lloyds et HSBC ont subi des perturbations. Imaginez les conséquences si une telle panne avait duré plusieurs jours au lieu de quelques heures.
Pourquoi tout le web repose sur si peu d’acteurs 🎯
Vous vous demandez peut-être : « Comment a-t-on pu mettre tous nos œufs dans le même panier ? » La réponse est à la fois simple et complexe.
D’abord, une question d’économie. Monter et entretenir ses propres serveurs coûte une fortune. Il faut acheter le matériel, louer des locaux sécurisés, payer des équipes techniques 24h/24, gérer les pannes, remplacer le matériel obsolète… Pour une startup ou une PME, c’est tout simplement hors de portée. AWS, Microsoft Azure et Google Cloud permettent de démarrer avec quelques euros par mois.
Ensuite, une question de compétence. Faire tourner une infrastructure informatique moderne demande une expertise rare et chère. AWS emploie des milliers d’ingénieurs parmi les meilleurs au monde. Quelle entreprise peut rivaliser avec ça ?
Enfin, une question de fiabilité. Paradoxalement, malgré cette panne, AWS reste globalement très fiable. Les services tournent à 99,9% du temps. Construire soi-même une infrastructure aussi robuste est extrêmement difficile.
Résultat : trois entreprises (Amazon, Microsoft et Google) se partagent les deux tiers du marché mondial du cloud. Cette concentration pose évidemment des questions géopolitiques. Que se passe-t-il si les États-Unis décident de couper l’accès aux entreprises non américaines ? Que se passe-t-il en cas de cyberattaque massive ? Que se passe-t-il si une simple erreur technique, comme celle de lundi, dure non pas quelques heures mais plusieurs jours ?
Le fragile équilibre du web moderne ⚖️
Cette panne nous rappelle une vérité dérangeante : Internet, qu’on imagine comme un réseau décentralisé et résilient, repose en réalité sur quelques points névralgiques critiques. C’est comme si toutes les routes d’un pays convergeaient vers un seul pont. Tant que le pont tient, tout va bien. Mais s’il s’effondre…
Des solutions existent théoriquement. Les entreprises peuvent répartir leurs services sur plusieurs fournisseurs cloud (on appelle ça le « multi-cloud »). Elles peuvent aussi concevoir leurs applications pour qu’elles continuent de fonctionner même si une partie de l’infrastructure est en panne. Mais ces approches coûtent cher et demandent une expertise technique pointue.
En Europe, la question de la « souveraineté numérique » refait surface à chaque incident majeur. Faut-il développer des alternatives européennes à AWS ? Le projet existe (avec des initiatives comme Gaia-X), mais le retard est énorme et les moyens limités.
La réglementation évolue également. Le DORA (Digital Operational Resilience Act), qui entre en application en 2025 en Europe, oblige les institutions financières à mieux évaluer leurs prestataires critiques et à préparer des scénarios de défaillance. C’est un début, mais le chemin est long.
Vivre avec le risque 🥲
La panne du 20 octobre 2025 restera dans les annales comme un rappel brutal de notre dépendance collective à quelques géants technologiques. En quelques heures, des millions de personnes et d’entreprises ont été paralysées par un problème technique survenu dans un centre de données en Virginie.
Cette fragilité est le prix à payer pour la commodité du cloud. Nous avons échangé la complexité de gérer nos propres serveurs contre la simplicité de tout confier à des spécialistes. Mais comme toute centralisation, elle crée des vulnérabilités systémiques.
La question n’est plus de savoir si une nouvelle panne majeure surviendra, mais quand. Et si la prochaine fois, au lieu de quelques heures, elle durait plusieurs jours ? Notre monde hyperconnecté y survivrait-il ?
Une chose est certaine : tant que nous n’aurons pas diversifié les fondations d’Internet, nous resterons à la merci d’une simple erreur technique dans un coin de la Virginie. De quoi réfléchir à deux fois avant de poster votre prochain selfie sur Snapchat, non ?
Et vous, aviez-vous remarqué cette panne lundi ? Comment l’avez-vous vécue ? Pensez-vous que nous devrions développer des alternatives aux géants américains du cloud ? Partagez votre expérience et votre avis dans les commentaires !
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